Le consommateur face au panel des labels de l'agroalimentaire

Le consommateur face au panel des labels de l'agroalimentaire

Le consommateur face au panel des labels de l'agroalimentaire

Le consommateur face au panel des labels de l'agroalimentaire

AOC. AOP. IGP. STG. Label Rouge. Viande de France. Pavillon France. Origine France Garantie. Élu produit de l’année. Saveur de l’année. Bleu Blanc Cœur. Gluten Free. Fair Trade Max Havelaar. Pêche Durable MSC. AB. Bio européen. Fabriqué en France. Entreprise de France. Médailles Concours Général Agricole. Vergers écoresponsables. Nutriscore. “Sans”… huile de palme, arômes artificiels, OGM, antibiotiques etc.

Aujourd’hui, les labels et autres allégations destinés à éclairer le consommateur et à l’orienter dans son acte d’achat, prolifèrent sur les emballages des produits alimentaires. Dans cette “jungle” de signes extérieurs de qualité, quelle lisibilité pour l’acheteur ? À empiler et additionner ces éléments de reconnaissance, n’a-t-on pas davantage engendré de la complexité que de la réassurance augmentée ? Ces points de repère nourrissent-ils encore le capital confiance des marques ? Correspondent-ils encore aux attentes des consommateurs ? Est-ce que cela fait vraiment acheter ?

D’une démarche protectionniste à la réassurance du consommateur.

Il y a les labels officiels, garants de l’origine, de la qualité et/ou de la tradition, reconnus par les pouvoirs publics et contrôlés par des organismes indépendants certifiés, et soumis à un cahier des charges, un certificat de conformité et une homologation. Puis, il y a ceux du développement durable et du commerce équitable, les estampilles “sans” et autres mentions privées et commerciales… Retour sur leur installation dans les rayons.

Si, historiquement, les premiers labels ont vu le jour pour lutter contre la fraude (création de l’AOP au début du XXe siècle pour protéger le marché du vin et des eaux-de-vie en France) et défendre un savoir-faire traditionnel, gage de qualité, menacé par l’industrialisation de l’agriculture (création du Label Rouge dans les années 1960), la genèse des suivants a été impulsée par un contexte de massification de la consommation et d’accroissement de la concurrence. À une logique protectionniste a succédé une démarche de différenciation et de création de la préférence, pour s’attirer les faveurs du consommateur.

Ainsi, le boom des MDD à partir des années 1980, parmi lesquelles certaines ont emprunté les codes de la labellisation dans la structuration même de leur identité (Marque Repère, Nos Régions ont du Talent), a-t-il poussé les grandes marques à développer leurs propres éléments de reconnaissance, expression de leur valeur ajoutée. Saveur de l’année (1997), élu produit de l’année (1987)… Des promesses marketing créées de toutes pièces pour encourager l’achat d’impulsion. Mais sans garantie aucune de qualité, bénéfice ou “plus produit” supérieurs.

Par la suite, la succession des crises et autres scandales sanitaires qui ont jalonné les années 2000 et 2010 (vache folle, poulet à la dioxine belge, grippe aviaire, OGM…), a engendré une dégradation de l’image de l’industrie agroalimentaire et l’idée force d’une corrélation entre alimentation et santé. Associées à l’essor d’une conscience “green” collective (développement durable, question du bien-être animal…), les grandes marques ont dû montrer patte blanche pour rassurer un consommateur devenu méfiant et plus regardant sur ses achats, en s’engageant dans l’amélioration de leurs pratiques de production. Boost de l’agriculture biologique, sourcing français ou dans une démarche plus équitable, médication des animaux, suppression de certains ingrédients dans la composition des produits… Autant de réponses à de nouvelles attentes consuméristes en faveur d’un “mieux manger” et d’un “mieux consommer”, qui ont marqué la montée en puissance et la multiplication des labels plus “responsables” et “santé” : AB, Max Havelaar, Bleu blanc Cœur, Gluten Free, Origine France Garantie, Nutriscore etc.

Face à cette profusion de sigles, quid du consommateur ?

Faire sens dans un nouveau système de valeurs.

Si les labels continuent de jouer leur rôle de points de repère, de gages de respect de certaines bonnes pratiques “encadrées” et sont plutôt bien compris par les consommateurs, ils ne suffisent pas à faire basculer l’acte d’achat. Pour exemple, selon l’étude Kantar Worldpanel sur “les Français et les labels alimentaires”, alors que les sigles AB et Label Rouge flirtent avec une notoriété de 95 % et s’avèrent les mieux décodés, ils ne sont pas pour autant ceux qui incitent le plus à acheter. Car si le Bio “fait vendre et fait partie des niches qui se multiplient et portent la croissance des PGC, en même temps qu’il se démocratise, les exigences des consommateurs se font de plus en plus fortes” (Emily Mayer, strategic business director d’IRI. Source : magazine LSA). Dans ce cadre, de nouveaux marqueurs de confiance s’imposent pour faire la différence dans le rayon : ainsi, le local (en tête de la liste des logos incitant le plus à l’achat – 85,5 % : Origine France Garantie, Viandes de France, Fabriqué en France) et le “sans” (sans huile de palme, sans arômes artificiels, sans nitrites, sans antibiotiques…) tirent leur épingle du jeu.

Et pour cause : pour répondre à ses préoccupations de “mieux manger” et de “mieux consommer”, le consommateur a durci et élargi ses attentes à l’égard des marques, se forgeant ainsi un nouveau système de valeurs, articulé autour d’une représentation de la qualité “augmentée” et multifacettes. Une représentation qui “fait sens” et qui intègre de nouveaux critères d’appréciation : juste rémunération des producteurs, circuits courts, conditions d’élevage et respect du bien-être animal, apports nutritionnels fournis, approvisionnement local, choix des ingrédients, savoir-faire, respect de l’environnement, empreinte carbone, considérations sociales etc. Des insights qui s’additionnent et redéfinissent les drivers des comportements alimentaires. Charge aux marques d’y répondre, au risque de voir leur pérennité et leur bonne santé menacées.

Car leur rapport de force avec le consommateur a changé et s’est infléchi. Avec l’avènement du digital, l’accès à l’information du consommateur s’est démultiplié et son pouvoir d’influence et d’agir s’est élargi. Aujourd’hui, il est plus éclairé, moins passif. Pour exemples : la création de l’audacieuse marque “C’est qui le patron ?” ou encore l’explosion de l’application Yuka (14,5 millions d’utilisateurs), “arrivée au bon moment, où suite à de nombreux scandales dans le secteur agroalimentaire, les consommateurs avaient un réel besoin de transparence. Yuka leur a permis de reprendre le contrôle sur leurs achats et leur santéen leur permettant de comprendre ce que contiennent réellement leurs produits et à faire de meilleurs choix pour leur santé” (source : Julie Chapon, fondatrice de l’application). L’impact phénoménal de Yuka sur les comportements des consommateurs a une incidence sans précédent chez les industriels et distributeurs, notamment en termes d’innovation produit : modification de la composition de certains produits en vue d’améliorer leur évaluation (Intermarché), création de nouveaux produits (Knorr), développement de gammes biologiques (Heudebert).

Quand d’autres marques vont même jusqu’à faire référence à l’application dans leur discours (Fleury Michon) ou faire du score obtenu un indicateur clé de leur performance (Bjorg). Pas étonnant dans la mesure où 94 % des utilisateurs de l’application déclarent avoir “cessé d’acheter certains produits mal classés” et 83 % “acheter moins mais de meilleure qualité” (source : La Croix, 26/01/2020).

Du label à la note globale. Plus qu’un élément de réassurance : une expression de l’utilité et des actions concrètes de la marque ?

Ainsi, les marques placées sous le feu des projecteurs et soumises à l’évaluation de leurs acheteurs sont-elles plus que jamais exposées et doivent faire montre de leur engagement en faveur du “mieux manger”, du “mieux consommer”. Une tendance de fond qui s’est encore intensifiée dans un contexte Covid à l’issue duquel 8 marques sur 10 envisagent de “changer leur registre de communication en privilégiant leur utilité dans le quotidien du consommateur et leur engagement sociétal et environnemental.” (source : Mind Media, 29/05/2020). Et la communication onpack, vitrine de la marque en rayon, s’inscrit dans cette démarche de mise en avant plus soutenue d’arguments “clean et healthy”. C’est ce que traduit l’apparition de signes récents prenant en compte différents critères d’évaluation et combinant ainsi plusieurs bénéfices versus une promesse de niche, pour valoriser un engagement de fond plus transversal de la marque.

Parce que “Le Bio ne suffit plus”, le nouveau logo “Biologique-français-équitable”, créé par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, vient “répondre à la demande grandissante en produits cumulant une production bio et locale, des échanges équitables pour les producteurs, la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité” (source : Que choisir ?, 7/03/2020).

La “Note Globale”, ex Ferme France, vise quant à elle à “aider les consommateurs à mieux consommer et les acteurs économiques à mieux produire”, en attribuant et en étiquetant une note de performance sociétale aux produits alimentaires. Cette grille d’évaluation prend en compte six enjeux (le bienêtre animal, l’environnement, la nutrition et la santé humaine, l’origine et la contribution à l’économie française, la traçabilité et la transparence, et enfin la responsabilité sociale des entreprises), qui sont scindés en 40 objectifs. Dans ce système, chaque produit évalué obtient une note globale sur 100 ainsi que 6 notes thématiques (une par enjeu). L’objectif : “permettre au consommateur de prioriser ses choix en fonction de ses attentes”. (Source : LSA, février 2020).

À noter également l’application “My Label”, qui propose d’obtenir une évaluation personnalisée et multicritère des produits alimentaires, partant du principe que chaque consommateur est différent et n’accorde pas la même importance aux différents enjeux inhérents à la planète, la santé et la société. Une dénomination “astucieuse”, qui peut laisser à penser que la notion de label s’est bien transversalisée et a intégré la sphère publique, laquelle deviendrait d’une certaine façon partie prenante de sa constitution ?

Si la multiplication des labels alimentaires ne semble pas avoir altéré leur “valeur refuge” auprès des consommateurs, leur existence unique, i.e. sans être assorti d’autres mentions privées ou commerciales, paraît en revanche caduque. Ces gages sont connus, reconnus, mais non suffisants et non déclencheurs d’achat. L’engagement de la marque, derrière ces signes extérieurs de qualité, doit être global, concret et réel “en son intérieur”. Au fond, on peut considérer que cette addition s’avère un reflet de l’évolution des attentes des consommateurs et de leurs comportements… Un consommateur devenu engagé, qui aujourd’hui a un pouvoir de choisir à l’aide d’autres outils de décision (notamment digitaux) dont il ne disposait pas jusque-là. Mais aussi, et surtout, un pouvoir d’agir qui redessine les frontières entre distributeurs, marques commerciales, consommateurs… et producteurs. Et si demain, une action collective devenait réellement possible en faveur d’une meilleure consommation globale (amont et aval) ?

#agirensemble. C’est bien le projet de la Note Globale, qui ambitionne de rassembler et de faire travailler conjointement les acteurs de la chaîne de production, de distribution et de consommation. Utopie, levier de rééquilibrage des “rapports de force” ou prémices d’un mouvement de fond inédit ?

Cet article est issu du Livre Blanc « Agroalimentaire : vers un nouveau pacte de confiance ? »

HC

Anne-Sophie Denmat

Date de publication

20 avr. 2021

Durée de lecture

10

minutes

AOC. AOP. IGP. STG. Label Rouge. Viande de France. Pavillon France. Origine France Garantie. Élu produit de l’année. Saveur de l’année. Bleu Blanc Cœur. Gluten Free. Fair Trade Max Havelaar. Pêche Durable MSC. AB. Bio européen. Fabriqué en France. Entreprise de France. Médailles Concours Général Agricole. Vergers écoresponsables. Nutriscore. “Sans”… huile de palme, arômes artificiels, OGM, antibiotiques etc.

Aujourd’hui, les labels et autres allégations destinés à éclairer le consommateur et à l’orienter dans son acte d’achat, prolifèrent sur les emballages des produits alimentaires. Dans cette “jungle” de signes extérieurs de qualité, quelle lisibilité pour l’acheteur ? À empiler et additionner ces éléments de reconnaissance, n’a-t-on pas davantage engendré de la complexité que de la réassurance augmentée ? Ces points de repère nourrissent-ils encore le capital confiance des marques ? Correspondent-ils encore aux attentes des consommateurs ? Est-ce que cela fait vraiment acheter ?

D’une démarche protectionniste à la réassurance du consommateur.

Il y a les labels officiels, garants de l’origine, de la qualité et/ou de la tradition, reconnus par les pouvoirs publics et contrôlés par des organismes indépendants certifiés, et soumis à un cahier des charges, un certificat de conformité et une homologation. Puis, il y a ceux du développement durable et du commerce équitable, les estampilles “sans” et autres mentions privées et commerciales… Retour sur leur installation dans les rayons.

Si, historiquement, les premiers labels ont vu le jour pour lutter contre la fraude (création de l’AOP au début du XXe siècle pour protéger le marché du vin et des eaux-de-vie en France) et défendre un savoir-faire traditionnel, gage de qualité, menacé par l’industrialisation de l’agriculture (création du Label Rouge dans les années 1960), la genèse des suivants a été impulsée par un contexte de massification de la consommation et d’accroissement de la concurrence. À une logique protectionniste a succédé une démarche de différenciation et de création de la préférence, pour s’attirer les faveurs du consommateur.

Ainsi, le boom des MDD à partir des années 1980, parmi lesquelles certaines ont emprunté les codes de la labellisation dans la structuration même de leur identité (Marque Repère, Nos Régions ont du Talent), a-t-il poussé les grandes marques à développer leurs propres éléments de reconnaissance, expression de leur valeur ajoutée. Saveur de l’année (1997), élu produit de l’année (1987)… Des promesses marketing créées de toutes pièces pour encourager l’achat d’impulsion. Mais sans garantie aucune de qualité, bénéfice ou “plus produit” supérieurs.

Par la suite, la succession des crises et autres scandales sanitaires qui ont jalonné les années 2000 et 2010 (vache folle, poulet à la dioxine belge, grippe aviaire, OGM…), a engendré une dégradation de l’image de l’industrie agroalimentaire et l’idée force d’une corrélation entre alimentation et santé. Associées à l’essor d’une conscience “green” collective (développement durable, question du bien-être animal…), les grandes marques ont dû montrer patte blanche pour rassurer un consommateur devenu méfiant et plus regardant sur ses achats, en s’engageant dans l’amélioration de leurs pratiques de production. Boost de l’agriculture biologique, sourcing français ou dans une démarche plus équitable, médication des animaux, suppression de certains ingrédients dans la composition des produits… Autant de réponses à de nouvelles attentes consuméristes en faveur d’un “mieux manger” et d’un “mieux consommer”, qui ont marqué la montée en puissance et la multiplication des labels plus “responsables” et “santé” : AB, Max Havelaar, Bleu blanc Cœur, Gluten Free, Origine France Garantie, Nutriscore etc.

Face à cette profusion de sigles, quid du consommateur ?

Faire sens dans un nouveau système de valeurs.

Si les labels continuent de jouer leur rôle de points de repère, de gages de respect de certaines bonnes pratiques “encadrées” et sont plutôt bien compris par les consommateurs, ils ne suffisent pas à faire basculer l’acte d’achat. Pour exemple, selon l’étude Kantar Worldpanel sur “les Français et les labels alimentaires”, alors que les sigles AB et Label Rouge flirtent avec une notoriété de 95 % et s’avèrent les mieux décodés, ils ne sont pas pour autant ceux qui incitent le plus à acheter. Car si le Bio “fait vendre et fait partie des niches qui se multiplient et portent la croissance des PGC, en même temps qu’il se démocratise, les exigences des consommateurs se font de plus en plus fortes” (Emily Mayer, strategic business director d’IRI. Source : magazine LSA). Dans ce cadre, de nouveaux marqueurs de confiance s’imposent pour faire la différence dans le rayon : ainsi, le local (en tête de la liste des logos incitant le plus à l’achat – 85,5 % : Origine France Garantie, Viandes de France, Fabriqué en France) et le “sans” (sans huile de palme, sans arômes artificiels, sans nitrites, sans antibiotiques…) tirent leur épingle du jeu.

Et pour cause : pour répondre à ses préoccupations de “mieux manger” et de “mieux consommer”, le consommateur a durci et élargi ses attentes à l’égard des marques, se forgeant ainsi un nouveau système de valeurs, articulé autour d’une représentation de la qualité “augmentée” et multifacettes. Une représentation qui “fait sens” et qui intègre de nouveaux critères d’appréciation : juste rémunération des producteurs, circuits courts, conditions d’élevage et respect du bien-être animal, apports nutritionnels fournis, approvisionnement local, choix des ingrédients, savoir-faire, respect de l’environnement, empreinte carbone, considérations sociales etc. Des insights qui s’additionnent et redéfinissent les drivers des comportements alimentaires. Charge aux marques d’y répondre, au risque de voir leur pérennité et leur bonne santé menacées.

Car leur rapport de force avec le consommateur a changé et s’est infléchi. Avec l’avènement du digital, l’accès à l’information du consommateur s’est démultiplié et son pouvoir d’influence et d’agir s’est élargi. Aujourd’hui, il est plus éclairé, moins passif. Pour exemples : la création de l’audacieuse marque “C’est qui le patron ?” ou encore l’explosion de l’application Yuka (14,5 millions d’utilisateurs), “arrivée au bon moment, où suite à de nombreux scandales dans le secteur agroalimentaire, les consommateurs avaient un réel besoin de transparence. Yuka leur a permis de reprendre le contrôle sur leurs achats et leur santéen leur permettant de comprendre ce que contiennent réellement leurs produits et à faire de meilleurs choix pour leur santé” (source : Julie Chapon, fondatrice de l’application). L’impact phénoménal de Yuka sur les comportements des consommateurs a une incidence sans précédent chez les industriels et distributeurs, notamment en termes d’innovation produit : modification de la composition de certains produits en vue d’améliorer leur évaluation (Intermarché), création de nouveaux produits (Knorr), développement de gammes biologiques (Heudebert).

Quand d’autres marques vont même jusqu’à faire référence à l’application dans leur discours (Fleury Michon) ou faire du score obtenu un indicateur clé de leur performance (Bjorg). Pas étonnant dans la mesure où 94 % des utilisateurs de l’application déclarent avoir “cessé d’acheter certains produits mal classés” et 83 % “acheter moins mais de meilleure qualité” (source : La Croix, 26/01/2020).

Du label à la note globale. Plus qu’un élément de réassurance : une expression de l’utilité et des actions concrètes de la marque ?

Ainsi, les marques placées sous le feu des projecteurs et soumises à l’évaluation de leurs acheteurs sont-elles plus que jamais exposées et doivent faire montre de leur engagement en faveur du “mieux manger”, du “mieux consommer”. Une tendance de fond qui s’est encore intensifiée dans un contexte Covid à l’issue duquel 8 marques sur 10 envisagent de “changer leur registre de communication en privilégiant leur utilité dans le quotidien du consommateur et leur engagement sociétal et environnemental.” (source : Mind Media, 29/05/2020). Et la communication onpack, vitrine de la marque en rayon, s’inscrit dans cette démarche de mise en avant plus soutenue d’arguments “clean et healthy”. C’est ce que traduit l’apparition de signes récents prenant en compte différents critères d’évaluation et combinant ainsi plusieurs bénéfices versus une promesse de niche, pour valoriser un engagement de fond plus transversal de la marque.

Parce que “Le Bio ne suffit plus”, le nouveau logo “Biologique-français-équitable”, créé par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, vient “répondre à la demande grandissante en produits cumulant une production bio et locale, des échanges équitables pour les producteurs, la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité” (source : Que choisir ?, 7/03/2020).

La “Note Globale”, ex Ferme France, vise quant à elle à “aider les consommateurs à mieux consommer et les acteurs économiques à mieux produire”, en attribuant et en étiquetant une note de performance sociétale aux produits alimentaires. Cette grille d’évaluation prend en compte six enjeux (le bienêtre animal, l’environnement, la nutrition et la santé humaine, l’origine et la contribution à l’économie française, la traçabilité et la transparence, et enfin la responsabilité sociale des entreprises), qui sont scindés en 40 objectifs. Dans ce système, chaque produit évalué obtient une note globale sur 100 ainsi que 6 notes thématiques (une par enjeu). L’objectif : “permettre au consommateur de prioriser ses choix en fonction de ses attentes”. (Source : LSA, février 2020).

À noter également l’application “My Label”, qui propose d’obtenir une évaluation personnalisée et multicritère des produits alimentaires, partant du principe que chaque consommateur est différent et n’accorde pas la même importance aux différents enjeux inhérents à la planète, la santé et la société. Une dénomination “astucieuse”, qui peut laisser à penser que la notion de label s’est bien transversalisée et a intégré la sphère publique, laquelle deviendrait d’une certaine façon partie prenante de sa constitution ?

Si la multiplication des labels alimentaires ne semble pas avoir altéré leur “valeur refuge” auprès des consommateurs, leur existence unique, i.e. sans être assorti d’autres mentions privées ou commerciales, paraît en revanche caduque. Ces gages sont connus, reconnus, mais non suffisants et non déclencheurs d’achat. L’engagement de la marque, derrière ces signes extérieurs de qualité, doit être global, concret et réel “en son intérieur”. Au fond, on peut considérer que cette addition s’avère un reflet de l’évolution des attentes des consommateurs et de leurs comportements… Un consommateur devenu engagé, qui aujourd’hui a un pouvoir de choisir à l’aide d’autres outils de décision (notamment digitaux) dont il ne disposait pas jusque-là. Mais aussi, et surtout, un pouvoir d’agir qui redessine les frontières entre distributeurs, marques commerciales, consommateurs… et producteurs. Et si demain, une action collective devenait réellement possible en faveur d’une meilleure consommation globale (amont et aval) ?

#agirensemble. C’est bien le projet de la Note Globale, qui ambitionne de rassembler et de faire travailler conjointement les acteurs de la chaîne de production, de distribution et de consommation. Utopie, levier de rééquilibrage des “rapports de force” ou prémices d’un mouvement de fond inédit ?

Cet article est issu du Livre Blanc « Agroalimentaire : vers un nouveau pacte de confiance ? »

HC

Anne-Sophie Denmat

Date de publication

20 avr. 2021

Durée de lecture

10

minutes

AOC. AOP. IGP. STG. Label Rouge. Viande de France. Pavillon France. Origine France Garantie. Élu produit de l’année. Saveur de l’année. Bleu Blanc Cœur. Gluten Free. Fair Trade Max Havelaar. Pêche Durable MSC. AB. Bio européen. Fabriqué en France. Entreprise de France. Médailles Concours Général Agricole. Vergers écoresponsables. Nutriscore. “Sans”… huile de palme, arômes artificiels, OGM, antibiotiques etc.

Aujourd’hui, les labels et autres allégations destinés à éclairer le consommateur et à l’orienter dans son acte d’achat, prolifèrent sur les emballages des produits alimentaires. Dans cette “jungle” de signes extérieurs de qualité, quelle lisibilité pour l’acheteur ? À empiler et additionner ces éléments de reconnaissance, n’a-t-on pas davantage engendré de la complexité que de la réassurance augmentée ? Ces points de repère nourrissent-ils encore le capital confiance des marques ? Correspondent-ils encore aux attentes des consommateurs ? Est-ce que cela fait vraiment acheter ?

D’une démarche protectionniste à la réassurance du consommateur.

Il y a les labels officiels, garants de l’origine, de la qualité et/ou de la tradition, reconnus par les pouvoirs publics et contrôlés par des organismes indépendants certifiés, et soumis à un cahier des charges, un certificat de conformité et une homologation. Puis, il y a ceux du développement durable et du commerce équitable, les estampilles “sans” et autres mentions privées et commerciales… Retour sur leur installation dans les rayons.

Si, historiquement, les premiers labels ont vu le jour pour lutter contre la fraude (création de l’AOP au début du XXe siècle pour protéger le marché du vin et des eaux-de-vie en France) et défendre un savoir-faire traditionnel, gage de qualité, menacé par l’industrialisation de l’agriculture (création du Label Rouge dans les années 1960), la genèse des suivants a été impulsée par un contexte de massification de la consommation et d’accroissement de la concurrence. À une logique protectionniste a succédé une démarche de différenciation et de création de la préférence, pour s’attirer les faveurs du consommateur.

Ainsi, le boom des MDD à partir des années 1980, parmi lesquelles certaines ont emprunté les codes de la labellisation dans la structuration même de leur identité (Marque Repère, Nos Régions ont du Talent), a-t-il poussé les grandes marques à développer leurs propres éléments de reconnaissance, expression de leur valeur ajoutée. Saveur de l’année (1997), élu produit de l’année (1987)… Des promesses marketing créées de toutes pièces pour encourager l’achat d’impulsion. Mais sans garantie aucune de qualité, bénéfice ou “plus produit” supérieurs.

Par la suite, la succession des crises et autres scandales sanitaires qui ont jalonné les années 2000 et 2010 (vache folle, poulet à la dioxine belge, grippe aviaire, OGM…), a engendré une dégradation de l’image de l’industrie agroalimentaire et l’idée force d’une corrélation entre alimentation et santé. Associées à l’essor d’une conscience “green” collective (développement durable, question du bien-être animal…), les grandes marques ont dû montrer patte blanche pour rassurer un consommateur devenu méfiant et plus regardant sur ses achats, en s’engageant dans l’amélioration de leurs pratiques de production. Boost de l’agriculture biologique, sourcing français ou dans une démarche plus équitable, médication des animaux, suppression de certains ingrédients dans la composition des produits… Autant de réponses à de nouvelles attentes consuméristes en faveur d’un “mieux manger” et d’un “mieux consommer”, qui ont marqué la montée en puissance et la multiplication des labels plus “responsables” et “santé” : AB, Max Havelaar, Bleu blanc Cœur, Gluten Free, Origine France Garantie, Nutriscore etc.

Face à cette profusion de sigles, quid du consommateur ?

Faire sens dans un nouveau système de valeurs.

Si les labels continuent de jouer leur rôle de points de repère, de gages de respect de certaines bonnes pratiques “encadrées” et sont plutôt bien compris par les consommateurs, ils ne suffisent pas à faire basculer l’acte d’achat. Pour exemple, selon l’étude Kantar Worldpanel sur “les Français et les labels alimentaires”, alors que les sigles AB et Label Rouge flirtent avec une notoriété de 95 % et s’avèrent les mieux décodés, ils ne sont pas pour autant ceux qui incitent le plus à acheter. Car si le Bio “fait vendre et fait partie des niches qui se multiplient et portent la croissance des PGC, en même temps qu’il se démocratise, les exigences des consommateurs se font de plus en plus fortes” (Emily Mayer, strategic business director d’IRI. Source : magazine LSA). Dans ce cadre, de nouveaux marqueurs de confiance s’imposent pour faire la différence dans le rayon : ainsi, le local (en tête de la liste des logos incitant le plus à l’achat – 85,5 % : Origine France Garantie, Viandes de France, Fabriqué en France) et le “sans” (sans huile de palme, sans arômes artificiels, sans nitrites, sans antibiotiques…) tirent leur épingle du jeu.

Et pour cause : pour répondre à ses préoccupations de “mieux manger” et de “mieux consommer”, le consommateur a durci et élargi ses attentes à l’égard des marques, se forgeant ainsi un nouveau système de valeurs, articulé autour d’une représentation de la qualité “augmentée” et multifacettes. Une représentation qui “fait sens” et qui intègre de nouveaux critères d’appréciation : juste rémunération des producteurs, circuits courts, conditions d’élevage et respect du bien-être animal, apports nutritionnels fournis, approvisionnement local, choix des ingrédients, savoir-faire, respect de l’environnement, empreinte carbone, considérations sociales etc. Des insights qui s’additionnent et redéfinissent les drivers des comportements alimentaires. Charge aux marques d’y répondre, au risque de voir leur pérennité et leur bonne santé menacées.

Car leur rapport de force avec le consommateur a changé et s’est infléchi. Avec l’avènement du digital, l’accès à l’information du consommateur s’est démultiplié et son pouvoir d’influence et d’agir s’est élargi. Aujourd’hui, il est plus éclairé, moins passif. Pour exemples : la création de l’audacieuse marque “C’est qui le patron ?” ou encore l’explosion de l’application Yuka (14,5 millions d’utilisateurs), “arrivée au bon moment, où suite à de nombreux scandales dans le secteur agroalimentaire, les consommateurs avaient un réel besoin de transparence. Yuka leur a permis de reprendre le contrôle sur leurs achats et leur santéen leur permettant de comprendre ce que contiennent réellement leurs produits et à faire de meilleurs choix pour leur santé” (source : Julie Chapon, fondatrice de l’application). L’impact phénoménal de Yuka sur les comportements des consommateurs a une incidence sans précédent chez les industriels et distributeurs, notamment en termes d’innovation produit : modification de la composition de certains produits en vue d’améliorer leur évaluation (Intermarché), création de nouveaux produits (Knorr), développement de gammes biologiques (Heudebert).

Quand d’autres marques vont même jusqu’à faire référence à l’application dans leur discours (Fleury Michon) ou faire du score obtenu un indicateur clé de leur performance (Bjorg). Pas étonnant dans la mesure où 94 % des utilisateurs de l’application déclarent avoir “cessé d’acheter certains produits mal classés” et 83 % “acheter moins mais de meilleure qualité” (source : La Croix, 26/01/2020).

Du label à la note globale. Plus qu’un élément de réassurance : une expression de l’utilité et des actions concrètes de la marque ?

Ainsi, les marques placées sous le feu des projecteurs et soumises à l’évaluation de leurs acheteurs sont-elles plus que jamais exposées et doivent faire montre de leur engagement en faveur du “mieux manger”, du “mieux consommer”. Une tendance de fond qui s’est encore intensifiée dans un contexte Covid à l’issue duquel 8 marques sur 10 envisagent de “changer leur registre de communication en privilégiant leur utilité dans le quotidien du consommateur et leur engagement sociétal et environnemental.” (source : Mind Media, 29/05/2020). Et la communication onpack, vitrine de la marque en rayon, s’inscrit dans cette démarche de mise en avant plus soutenue d’arguments “clean et healthy”. C’est ce que traduit l’apparition de signes récents prenant en compte différents critères d’évaluation et combinant ainsi plusieurs bénéfices versus une promesse de niche, pour valoriser un engagement de fond plus transversal de la marque.

Parce que “Le Bio ne suffit plus”, le nouveau logo “Biologique-français-équitable”, créé par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, vient “répondre à la demande grandissante en produits cumulant une production bio et locale, des échanges équitables pour les producteurs, la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité” (source : Que choisir ?, 7/03/2020).

La “Note Globale”, ex Ferme France, vise quant à elle à “aider les consommateurs à mieux consommer et les acteurs économiques à mieux produire”, en attribuant et en étiquetant une note de performance sociétale aux produits alimentaires. Cette grille d’évaluation prend en compte six enjeux (le bienêtre animal, l’environnement, la nutrition et la santé humaine, l’origine et la contribution à l’économie française, la traçabilité et la transparence, et enfin la responsabilité sociale des entreprises), qui sont scindés en 40 objectifs. Dans ce système, chaque produit évalué obtient une note globale sur 100 ainsi que 6 notes thématiques (une par enjeu). L’objectif : “permettre au consommateur de prioriser ses choix en fonction de ses attentes”. (Source : LSA, février 2020).

À noter également l’application “My Label”, qui propose d’obtenir une évaluation personnalisée et multicritère des produits alimentaires, partant du principe que chaque consommateur est différent et n’accorde pas la même importance aux différents enjeux inhérents à la planète, la santé et la société. Une dénomination “astucieuse”, qui peut laisser à penser que la notion de label s’est bien transversalisée et a intégré la sphère publique, laquelle deviendrait d’une certaine façon partie prenante de sa constitution ?

Si la multiplication des labels alimentaires ne semble pas avoir altéré leur “valeur refuge” auprès des consommateurs, leur existence unique, i.e. sans être assorti d’autres mentions privées ou commerciales, paraît en revanche caduque. Ces gages sont connus, reconnus, mais non suffisants et non déclencheurs d’achat. L’engagement de la marque, derrière ces signes extérieurs de qualité, doit être global, concret et réel “en son intérieur”. Au fond, on peut considérer que cette addition s’avère un reflet de l’évolution des attentes des consommateurs et de leurs comportements… Un consommateur devenu engagé, qui aujourd’hui a un pouvoir de choisir à l’aide d’autres outils de décision (notamment digitaux) dont il ne disposait pas jusque-là. Mais aussi, et surtout, un pouvoir d’agir qui redessine les frontières entre distributeurs, marques commerciales, consommateurs… et producteurs. Et si demain, une action collective devenait réellement possible en faveur d’une meilleure consommation globale (amont et aval) ?

#agirensemble. C’est bien le projet de la Note Globale, qui ambitionne de rassembler et de faire travailler conjointement les acteurs de la chaîne de production, de distribution et de consommation. Utopie, levier de rééquilibrage des “rapports de force” ou prémices d’un mouvement de fond inédit ?

Cet article est issu du Livre Blanc « Agroalimentaire : vers un nouveau pacte de confiance ? »

HC

Anne-Sophie Denmat

Date de publication

20 avr. 2021

Durée de lecture

10

minutes

AOC. AOP. IGP. STG. Label Rouge. Viande de France. Pavillon France. Origine France Garantie. Élu produit de l’année. Saveur de l’année. Bleu Blanc Cœur. Gluten Free. Fair Trade Max Havelaar. Pêche Durable MSC. AB. Bio européen. Fabriqué en France. Entreprise de France. Médailles Concours Général Agricole. Vergers écoresponsables. Nutriscore. “Sans”… huile de palme, arômes artificiels, OGM, antibiotiques etc.

Aujourd’hui, les labels et autres allégations destinés à éclairer le consommateur et à l’orienter dans son acte d’achat, prolifèrent sur les emballages des produits alimentaires. Dans cette “jungle” de signes extérieurs de qualité, quelle lisibilité pour l’acheteur ? À empiler et additionner ces éléments de reconnaissance, n’a-t-on pas davantage engendré de la complexité que de la réassurance augmentée ? Ces points de repère nourrissent-ils encore le capital confiance des marques ? Correspondent-ils encore aux attentes des consommateurs ? Est-ce que cela fait vraiment acheter ?

D’une démarche protectionniste à la réassurance du consommateur.

Il y a les labels officiels, garants de l’origine, de la qualité et/ou de la tradition, reconnus par les pouvoirs publics et contrôlés par des organismes indépendants certifiés, et soumis à un cahier des charges, un certificat de conformité et une homologation. Puis, il y a ceux du développement durable et du commerce équitable, les estampilles “sans” et autres mentions privées et commerciales… Retour sur leur installation dans les rayons.

Si, historiquement, les premiers labels ont vu le jour pour lutter contre la fraude (création de l’AOP au début du XXe siècle pour protéger le marché du vin et des eaux-de-vie en France) et défendre un savoir-faire traditionnel, gage de qualité, menacé par l’industrialisation de l’agriculture (création du Label Rouge dans les années 1960), la genèse des suivants a été impulsée par un contexte de massification de la consommation et d’accroissement de la concurrence. À une logique protectionniste a succédé une démarche de différenciation et de création de la préférence, pour s’attirer les faveurs du consommateur.

Ainsi, le boom des MDD à partir des années 1980, parmi lesquelles certaines ont emprunté les codes de la labellisation dans la structuration même de leur identité (Marque Repère, Nos Régions ont du Talent), a-t-il poussé les grandes marques à développer leurs propres éléments de reconnaissance, expression de leur valeur ajoutée. Saveur de l’année (1997), élu produit de l’année (1987)… Des promesses marketing créées de toutes pièces pour encourager l’achat d’impulsion. Mais sans garantie aucune de qualité, bénéfice ou “plus produit” supérieurs.

Par la suite, la succession des crises et autres scandales sanitaires qui ont jalonné les années 2000 et 2010 (vache folle, poulet à la dioxine belge, grippe aviaire, OGM…), a engendré une dégradation de l’image de l’industrie agroalimentaire et l’idée force d’une corrélation entre alimentation et santé. Associées à l’essor d’une conscience “green” collective (développement durable, question du bien-être animal…), les grandes marques ont dû montrer patte blanche pour rassurer un consommateur devenu méfiant et plus regardant sur ses achats, en s’engageant dans l’amélioration de leurs pratiques de production. Boost de l’agriculture biologique, sourcing français ou dans une démarche plus équitable, médication des animaux, suppression de certains ingrédients dans la composition des produits… Autant de réponses à de nouvelles attentes consuméristes en faveur d’un “mieux manger” et d’un “mieux consommer”, qui ont marqué la montée en puissance et la multiplication des labels plus “responsables” et “santé” : AB, Max Havelaar, Bleu blanc Cœur, Gluten Free, Origine France Garantie, Nutriscore etc.

Face à cette profusion de sigles, quid du consommateur ?

Faire sens dans un nouveau système de valeurs.

Si les labels continuent de jouer leur rôle de points de repère, de gages de respect de certaines bonnes pratiques “encadrées” et sont plutôt bien compris par les consommateurs, ils ne suffisent pas à faire basculer l’acte d’achat. Pour exemple, selon l’étude Kantar Worldpanel sur “les Français et les labels alimentaires”, alors que les sigles AB et Label Rouge flirtent avec une notoriété de 95 % et s’avèrent les mieux décodés, ils ne sont pas pour autant ceux qui incitent le plus à acheter. Car si le Bio “fait vendre et fait partie des niches qui se multiplient et portent la croissance des PGC, en même temps qu’il se démocratise, les exigences des consommateurs se font de plus en plus fortes” (Emily Mayer, strategic business director d’IRI. Source : magazine LSA). Dans ce cadre, de nouveaux marqueurs de confiance s’imposent pour faire la différence dans le rayon : ainsi, le local (en tête de la liste des logos incitant le plus à l’achat – 85,5 % : Origine France Garantie, Viandes de France, Fabriqué en France) et le “sans” (sans huile de palme, sans arômes artificiels, sans nitrites, sans antibiotiques…) tirent leur épingle du jeu.

Et pour cause : pour répondre à ses préoccupations de “mieux manger” et de “mieux consommer”, le consommateur a durci et élargi ses attentes à l’égard des marques, se forgeant ainsi un nouveau système de valeurs, articulé autour d’une représentation de la qualité “augmentée” et multifacettes. Une représentation qui “fait sens” et qui intègre de nouveaux critères d’appréciation : juste rémunération des producteurs, circuits courts, conditions d’élevage et respect du bien-être animal, apports nutritionnels fournis, approvisionnement local, choix des ingrédients, savoir-faire, respect de l’environnement, empreinte carbone, considérations sociales etc. Des insights qui s’additionnent et redéfinissent les drivers des comportements alimentaires. Charge aux marques d’y répondre, au risque de voir leur pérennité et leur bonne santé menacées.

Car leur rapport de force avec le consommateur a changé et s’est infléchi. Avec l’avènement du digital, l’accès à l’information du consommateur s’est démultiplié et son pouvoir d’influence et d’agir s’est élargi. Aujourd’hui, il est plus éclairé, moins passif. Pour exemples : la création de l’audacieuse marque “C’est qui le patron ?” ou encore l’explosion de l’application Yuka (14,5 millions d’utilisateurs), “arrivée au bon moment, où suite à de nombreux scandales dans le secteur agroalimentaire, les consommateurs avaient un réel besoin de transparence. Yuka leur a permis de reprendre le contrôle sur leurs achats et leur santéen leur permettant de comprendre ce que contiennent réellement leurs produits et à faire de meilleurs choix pour leur santé” (source : Julie Chapon, fondatrice de l’application). L’impact phénoménal de Yuka sur les comportements des consommateurs a une incidence sans précédent chez les industriels et distributeurs, notamment en termes d’innovation produit : modification de la composition de certains produits en vue d’améliorer leur évaluation (Intermarché), création de nouveaux produits (Knorr), développement de gammes biologiques (Heudebert).

Quand d’autres marques vont même jusqu’à faire référence à l’application dans leur discours (Fleury Michon) ou faire du score obtenu un indicateur clé de leur performance (Bjorg). Pas étonnant dans la mesure où 94 % des utilisateurs de l’application déclarent avoir “cessé d’acheter certains produits mal classés” et 83 % “acheter moins mais de meilleure qualité” (source : La Croix, 26/01/2020).

Du label à la note globale. Plus qu’un élément de réassurance : une expression de l’utilité et des actions concrètes de la marque ?

Ainsi, les marques placées sous le feu des projecteurs et soumises à l’évaluation de leurs acheteurs sont-elles plus que jamais exposées et doivent faire montre de leur engagement en faveur du “mieux manger”, du “mieux consommer”. Une tendance de fond qui s’est encore intensifiée dans un contexte Covid à l’issue duquel 8 marques sur 10 envisagent de “changer leur registre de communication en privilégiant leur utilité dans le quotidien du consommateur et leur engagement sociétal et environnemental.” (source : Mind Media, 29/05/2020). Et la communication onpack, vitrine de la marque en rayon, s’inscrit dans cette démarche de mise en avant plus soutenue d’arguments “clean et healthy”. C’est ce que traduit l’apparition de signes récents prenant en compte différents critères d’évaluation et combinant ainsi plusieurs bénéfices versus une promesse de niche, pour valoriser un engagement de fond plus transversal de la marque.

Parce que “Le Bio ne suffit plus”, le nouveau logo “Biologique-français-équitable”, créé par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, vient “répondre à la demande grandissante en produits cumulant une production bio et locale, des échanges équitables pour les producteurs, la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité” (source : Que choisir ?, 7/03/2020).

La “Note Globale”, ex Ferme France, vise quant à elle à “aider les consommateurs à mieux consommer et les acteurs économiques à mieux produire”, en attribuant et en étiquetant une note de performance sociétale aux produits alimentaires. Cette grille d’évaluation prend en compte six enjeux (le bienêtre animal, l’environnement, la nutrition et la santé humaine, l’origine et la contribution à l’économie française, la traçabilité et la transparence, et enfin la responsabilité sociale des entreprises), qui sont scindés en 40 objectifs. Dans ce système, chaque produit évalué obtient une note globale sur 100 ainsi que 6 notes thématiques (une par enjeu). L’objectif : “permettre au consommateur de prioriser ses choix en fonction de ses attentes”. (Source : LSA, février 2020).

À noter également l’application “My Label”, qui propose d’obtenir une évaluation personnalisée et multicritère des produits alimentaires, partant du principe que chaque consommateur est différent et n’accorde pas la même importance aux différents enjeux inhérents à la planète, la santé et la société. Une dénomination “astucieuse”, qui peut laisser à penser que la notion de label s’est bien transversalisée et a intégré la sphère publique, laquelle deviendrait d’une certaine façon partie prenante de sa constitution ?

Si la multiplication des labels alimentaires ne semble pas avoir altéré leur “valeur refuge” auprès des consommateurs, leur existence unique, i.e. sans être assorti d’autres mentions privées ou commerciales, paraît en revanche caduque. Ces gages sont connus, reconnus, mais non suffisants et non déclencheurs d’achat. L’engagement de la marque, derrière ces signes extérieurs de qualité, doit être global, concret et réel “en son intérieur”. Au fond, on peut considérer que cette addition s’avère un reflet de l’évolution des attentes des consommateurs et de leurs comportements… Un consommateur devenu engagé, qui aujourd’hui a un pouvoir de choisir à l’aide d’autres outils de décision (notamment digitaux) dont il ne disposait pas jusque-là. Mais aussi, et surtout, un pouvoir d’agir qui redessine les frontières entre distributeurs, marques commerciales, consommateurs… et producteurs. Et si demain, une action collective devenait réellement possible en faveur d’une meilleure consommation globale (amont et aval) ?

#agirensemble. C’est bien le projet de la Note Globale, qui ambitionne de rassembler et de faire travailler conjointement les acteurs de la chaîne de production, de distribution et de consommation. Utopie, levier de rééquilibrage des “rapports de force” ou prémices d’un mouvement de fond inédit ?

Cet article est issu du Livre Blanc « Agroalimentaire : vers un nouveau pacte de confiance ? »

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Stéphane Caoki

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Manuel Cornet

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